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Editorial Congrès SDS 2020

Prof. Jacky Samson

Etrange zèle qui s’irrite contre ceux qui accusent des fautes publiques et non contre ceux qui les commettent.

Blaise Pascal

 

Depuis 2009, on peut lire dans la Loi de l’Université de Genève sous l’Art. 13 al.3 : « Pour les postes renouvelables du corps professoral et du corps des collaboratrices et collaborateurs de l’enseignement et de la recherche, à qualifications équivalentes, la préférence est donnée à la personne qui appartient au sexe sous-représenté. » ; en 2001, lorsque cette directive est apparue, le sexe sous-représenté était clairement désigné. Dans ses statuts, la SDS n’a pas prévu de mesures de discrimination positive car certaines prémices nous autorisaient à penser que l’évolution se ferait naturellement dans notre profession. Il y a maintenant plus d’étudiantes que d’étudiants… et, pour la première fois cette année, il y aura au Congrès plus de conférencières que de conférenciers. L’aviez-vous remarqué ?

Nous n’allons pas développer plus avant ce sujet auquel nous devions consacrer la totalité de cet éditorial pour rester dans l’esprit de # Me Too; ceci nous évitera d’avoir à nous prononcer sur la discrimination positive et de devoir défendre une approche darwinienne plutôt que de se couler dans le moule de la « pensée gélatineuse contemporaine ». L’actualité nous a interpellé sur un sujet plus préoccupant, le sort des enfants. Bien sûr, certains de nos confrères, peut-être plus souvent certaines de nos consœurs, s’en préoccupent plus particulièrement (cf. conférences sur le GenoDENT et la MIH) mais nous ne pouvons rester insensibles au débat qui a lieu actuellement sur la pédophilie.

Sous prétexte que « c’était une autre époque » et que « c’était de la littérature », il est strictement anormal que l’on ait laissé cet individu poursuivre ses abus sexuels sur mineur(e)s, et de les rapporter avec indécence et délectation dans son Journal publié sous forme de Carnets intimes (noirs) sans que rien ne soit fait d’un côté ou de l’autre de la frontière, ou ailleurs. En effet, il semble bien me souvenir que, dans le Carnet intime publié juste avant l’émission de Bernard Pivot en 1990, l’auteur relatait entre autres quelques escapades à Genève où il avait des rapports sexuels avec un mineur.

Les abus sexuels sur mineur(e)s constituent sans doute la plus vile des maltraitances, l’auteur de ces Carnets intimes trouve encore actuellement des soutiens dans les milieux littéraire, artistique et politique ; les deux ministres qui avaient signé la lettre demandant en 1977 la dépénalisation de la pédophilie ne se sont toujours pas rétractés et le meneur soixante huitard qui avait fait l’éloge de la pédophilie dans un livre, Le grand bazar, publié en 1975, conserve une attitude ambivalente, en se retranchant derrière la liberté d’expression. Quelle hypocrisie ! A côté des abus sexuels, il existe bien d’autres formes de maltraitance : syndrome de Silverman, syndrome de Munchhausen par procuration … En 2014, la HAS (Haute Autorité de Santé en France) estimant que dans les pays dits développés environ 10% des enfants souffrent de maltraitance, a émis des recommandations pour les médecins et les médecins dentistes afin de les sensibiliser et de les aider dans leur démarche diagnostique, tout en leur expliquant que le signalement des cas de maltraitance aux autorités était maintenant un devoir légal.

Au fil du temps, on a pris des mesures (fin de la coercition et des « enfants placés », renforcement des mesures pénales pour les abus sexuels …) en faisant accroire que les adultes avait enfin pris conscience qu’il fallait mieux protéger les enfants. Que nenni, on permet à une enfant de 15-16 ans, transformée en marionnette, de faire l’école buissonnière et de turbuler de par le monde pour sauver la planète ; elle est reçue comme le messie par des aréopages d’archontes qui ont montré à la COP 25, en décembre 2019 à Madrid, qu’ils n’avaient guère entendu son message. Soyons clair, cet accueil n’était qu’un acte de pure démagogie, donc une farce qui risque de déstabiliser à terme un peu plus cette enfant. Rien d’étonnant à ceci car certains écologistes ont peu de considération pour les enfants, surtout depuis qu’ils ont découvert que la mesure la plus efficace pour réduire l’empreinte carbone consisterait à ne pas se reproduire. En effet, l’empreinte carbone d’un enfant est considérable et ils ont même poussé le délire jusqu’à calculer que l’empreinte carbone d’un enfant équivaut à celle de X vols transatlantiques ! Un vol transatlantique correspond à environ 1,5 tonne équivalent CO2 et un enfant à presque 60 tonnes équivalent CO2 par an, soit 40 vols transatlantiques ! Comme il doit être difficile de parler des droits de l’enfant quand on se permet de l’assimiler à un vol transatlantique et que l’on a l’image de son empreinte carbone en tête ?

Au cours de mon activité professionnelle, j’ai eu l’opportunité d’examiner une patiente d’une cinquantaine d’années qui présentait des séquelles caractéristiques d’un syndrome de Silverman ou syndrome des enfants battus (amputation du bord libre de l’aile du nez et de pied de la cloison nasale). A la fin de la consultation, j’ai repris l’anamnèse et, à l’évocation du nom de Silverman, la patiente a pleuré instantanément et s’est réfugiée dans un mutisme total. Plus récemment, c’est une patiente qui pensait que je ne pouvais saisir son problème car elle était « une enfant de la coercition ». A 70 ans et un dernier traitement (une dizaine d’années de psychothérapie), elle pensait « s’en être sortie » et pouvoir vivre paisiblement. Or, elle venait de connaître « quelques événements » et elle « savait très bien ce qui venait de la déstabiliser ».

La plupart des enfants victimes de maltraitance (physique, psychique, abus sexuels ou toute autre forme de sévices) seront marqués à vie, au moins sur le plan psychique, et ces répercussions psychologiques affecteront leur personnalité et leur caractère de façon durable ou récurrente. Il est triste de constater que nous n’avons guère évolué depuis Jean de La Fontaine : « Hélas ! on voit que de tout temps les petits ont pâti de la sottise des grands. »

Comme membres des professions de santé, nous avons l’obligation de participer activement au repérage et à la dénonciation de la maltraitance des enfants car « Ceux qui ont le privilège de savoir ont le devoir d’agir. » (Albert Einstein).